Un vent de nord-ouest modéré souffle sur le port de Bayonne en cette fin d’après-midi du 17 avril 2023. Il est près de 18 h 30 et le cargo Elena commence ses manœuvres d’accostage, assisté de deux remorqueurs. L’un est positionné devant pour compenser le courant du fleuve Adour, l’autre, plus petit, se place à l’arrière pour contrôler la trajectoire du navire. À bord du cargo, l’un des pilotes du port veille au bon déroulé des opérations, toujours délicates, quand il s’aperçoit que le remorqueur arrière, le Saint-Bernard, s’est subitement retourné et flotte la quille en l’air.
Deux hommes localisés dans l’épave
Il avise aussitôt le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) d’Étel. L’urgence est extrême : à bord du Saint-Bernard se trouvent deux marins, âgés de 27 et 32 ans. Tout laisse à penser qu’ils sont bloqués à l’intérieur du navire de 16 mètres. Le CROSS engage « pour urgence vitale » le canot tous temps SNS 079 Capitaine Martin Jorlis et le semi-rigide SNS 668 Benat de la station SNSM de Bayonne. Philippe Ducasse, son président, décide de faire partir François Kuttler, un nageur de bord, sur le semi-rigide, plus rapide. Il doit aider à sécuriser l’épave et, surtout, tenter de prendre contact avec ses occupants.
En attendant que les sauveteurs arrivent, les lamaneurs – les professionnels qui manient les amarres des bateaux dans les ports – ont eu un excellent réflexe. Avec leur bateau de servitude, ils ont poussé vers la berge l’épave flottante. Cela évite qu’elle soit emportée au large par le fort courant de marée descendante et finisse par couler. Ils l’amarrent au niveau de la capitainerie du port, mais ne peuvent rien faire de plus.
Les bénévoles de la SNSM sont sur place à 18 h 53, à peine vingt minutes après le naufrage. Conscient que le courant de jusant* ne lui permettrait pas de gagner l’épave à la nage, le nageur de bord de la SNSM a fait appel aux Guides de bain Angloys – qui disposent de scooters des mers – pour l’y conduire. Pendant ce temps, le canot tous temps se présente sur les lieux avec un plongeur, capable d’intervenir sous l’eau. Il est vite rejoint par un premier plongeur des pompiers. Tous deux font équipe pour reconnaître les lieux, tandis que le nageur de la SNSM maintient le dialogue avec les naufragés. Il a pu les localiser précisément dans l’épave : les deux hommes ont trouvé refuge dans un petit compartiment étanche situé à l’avant du bateau. Le bénévole les rassure et leur prodigue des conseils afin qu’ils économisent l’air disponible.
À l’air libre en une heure et vingt minutes
Sébastien Trombetta, le patron du SNS 668, connaît parfaitement le remorqueur, sur lequel il travaille. Il peut indiquer très précisément aux plongeurs le cheminement pour atteindre les naufragés. Un pompier parvient à les rejoindre. Il extrait l’un des hommes de l’épave, en le faisant respirer sur sa bouteille de plongée, puis le remet au plongeur de la SNSM, qui l’aide à franchir les obstacles pour sortir du bateau. « L’extraction qui a été faite est en tous points conforme aux exercices effectués lors des stages d’entraînement, souligne Patrick Blackwood, le plongeur de la SNSM. Comme nous avions les mêmes référentiels, nous avons pu parfaitement nous coordonner à trois. »
Il est 19 h 41, cela fait une heure et vingt minutes que le bateau s’est retourné. Le second occupant du remorqueur suit le même chemin six minutes plus tard. En bonne santé mais en hypothermie et choqués, les naufragés sont pris en charge par la structure mobile d’urgence et de réanimation (Smur). Fin de l’opération à 20 heures. Pour autant, les sauveteurs ne sont pas au bout de leurs peines. Quelques heures plus tard, le SNS 079 est à nouveau sollicité pour éclairer une tentative de renflouement à marée haute du Saint-Bernard, qui se solde par un échec. Le remorqueur a finalement pu être sorti de l’eau et mis au sec le 27 avril et vidé de son eau par la puissante motopompe de la SNSM.
* Courant de jusant : courant engendré par la marée lorsque la mer se retire.