Bloqués dans un bateau retourné, deux marins sauvés par les plongeurs

Un remorqueur s’est retourné en assis­tant un cargo qui accos­tait dans le port de Bayonne, au mois d’avril 2023. Réfu­giés dans un étroit compar­ti­ment étanche, ses deux marins ont pu être sauvés grâce à la parfaite orga­ni­sa­tion de trois plon­geurs.

Un remorqueur retourné
Sébastien Trombetta, patron du "SNS 688", a pu décrire aux plongeurs l’aménagement intérieur du bateau afin qu’ils trouvent leur chemin. © Yann Prime

Un vent de nord-ouest modéré souffle sur le port de Bayonne en cette fin d’après-midi du 17 avril 2023. Il est près de 18 h 30 et le cargo Elena commence ses manœuvres d’ac­cos­tage, assisté de deux remorqueurs. L’un est posi­tionné devant pour compen­ser le courant du fleuve Adour, l’autre, plus petit, se place à l’ar­rière pour contrô­ler la trajec­toire du navire. À bord du cargo, l’un des pilotes du port veille au bon déroulé des opéra­tions, toujours déli­cates, quand il s’aperçoit que le remorqueur arrière, le Saint-Bernard, s’est subi­te­ment retourné et flotte la quille en l’air.

Deux hommes loca­li­sés dans l’épave

Il avise aussi­tôt le centre régio­nal opéra­tion­nel de surveillance et de sauve­tage (CROSS) d’Étel. L’ur­gence est extrême : à bord du Saint-Bernard se trouvent deux marins, âgés de 27 et 32 ans. Tout laisse à penser qu’ils sont bloqués à l’in­té­rieur du navire de 16 mètres. Le CROSS engage « pour urgence vitale » le canot tous temps SNS 079 Capi­taine Martin Jorlis et le semi-rigide SNS 668 Benat de la station SNSM de Bayonne. Philippe Ducasse, son président, décide de faire partir François Kuttler, un nageur de bord, sur le semi-rigide, plus rapide. Il doit aider à sécu­ri­ser l’épave et, surtout, tenter de prendre contact avec ses occu­pants.

En atten­dant que les sauve­teurs arrivent, les lama­neurs – les profes­sion­nels qui manient les amarres des bateaux dans les ports – ont eu un excellent réflexe. Avec leur bateau de servi­tude, ils ont poussé vers la berge l’épave flot­tante. Cela évite qu’elle soit empor­tée au large par le fort courant de marée descen­dante et finisse par couler. Ils l’amarrent au niveau de la capi­tai­ne­rie du port, mais ne peuvent rien faire de plus.

Les béné­voles de la SNSM sont sur place à 18 h 53, à peine vingt minutes après le naufrage. Conscient que le courant de jusantne lui permet­trait pas de gagner l’épave à la nage, le nageur de bord de la SNSM a fait appel aux Guides de bain Angloys – qui disposent de scoo­ters des mers – pour l’y conduire. Pendant ce temps, le canot tous temps se présente sur les lieux avec un plon­geur, capable d’in­ter­ve­nir sous l’eau. Il est vite rejoint par un premier plon­geur des pompiers. Tous deux font équipe pour recon­naître les lieux, tandis que le nageur de la SNSM main­tient le dialogue avec les naufra­gés. Il a pu les loca­li­ser préci­sé­ment dans l’épave : les deux hommes ont trouvé refuge dans un petit compar­ti­ment étanche situé à l’avant du bateau. Le béné­vole les rassure et leur prodigue des conseils afin qu’ils écono­misent l’air dispo­nible.

À l’air libre en une heure et vingt minutes

Sébas­tien Trom­betta, le patron du SNS 668, connaît parfai­te­ment le remorqueur, sur lequel il travaille. Il peut indiquer très préci­sé­ment aux plon­geurs le chemi­ne­ment pour atteindre les naufra­gés. Un pompier parvient à les rejoindre. Il extrait l’un des hommes de l’épave, en le faisant respi­rer sur sa bouteille de plon­gée, puis le remet au plon­geur de la SNSM, qui l’aide à fran­chir les obstacles pour sortir du bateau. « L’ex­trac­tion qui a été faite est en tous points conforme aux exer­cices effec­tués lors des stages d’en­traî­ne­ment, souligne Patrick Black­wood, le plon­geur de la SNSM. Comme nous avions les mêmes réfé­ren­tiels, nous avons pu parfai­te­ment nous coor­don­ner à trois. »

Il est 19 h 41, cela fait une heure et vingt minutes que le bateau s’est retourné. Le second occu­pant du remorqueur suit le même chemin six minutes plus tard. En bonne santé mais en hypo­ther­mie et choqués, les naufra­gés sont pris en charge par la struc­ture mobile d’ur­gence et de réani­ma­tion (Smur). Fin de l’opé­ra­tion à 20 heures. Pour autant, les sauve­teurs ne sont pas au bout de leurs peines. Quelques heures plus tard, le SNS 079 est à nouveau solli­cité pour éclai­rer une tenta­tive de renfloue­ment à marée haute du Saint-Bernard, qui se solde par un échec. Le remorqueur a fina­le­ment pu être sorti de l’eau et mis au sec le 27 avril et vidé de son eau par la puis­sante moto­pompe de la SNSM.

 

epave du remorqueur Saint-Bernard à Bayonne
Après une tenta­tive ratée, le Saint-Bernard a pu être remis à flot une dizaine de jours après l’ac­ci­dent. © Pierre Martia­rena

* Courant de jusant : courant engen­dré par la marée lorsque la mer se retire.

Le bon réflexe des naufragés coincés dans le bateau

Malgré une situa­tion très angois­sante, ils ont eu le bon réflexe. Les naufra­gés étaient coin­cés dans le bateau retourné et plein d’eau, car la porte de la timo­ne­rie était bloquée par la pres­sion. Comme ils l’avaient appris au lycée mari­time, ils ont alors enlevé leurs bottes et leurs gilets de sauve­tage, qui les empê­chaient de plon­ger sous l’eau, puis ont cher­ché à suivre la bulle d’air empri­son­née dans la coque. Voyant qu’ils pouvaient atteindre une petite cale dans la pointe avant, ils y sont entrés et en ont fermé la trappe d’ac­cès. Ils ont ensuite signalé leur présence au nageur de la SNSM, François Kuttler, qui était monté sur la coque, ce qui lui a permis de rensei­gner les autres sauve­teurs. Les marins ont ouvert la trappe et guidé les plon­geurs dans l’obs­cu­rité grâce aux petites lampes de leurs gilets de sauve­tage.

Équipage engagé

Canot tous temps
SNS 079 Capitaine Martin Jorlis

Patron : Pierre Martia­rena

Plon­geur : Patrick Black­wood

Équi­piers : Alain Danzé, Jean-Baptiste Fauré, Cédric Lari­gau­de­rie, Lionel Neyens

Semi-rigide
SNS 668 Benat

Patron : Sébas­tien Trom­betta

Nageurs de bord : François Kuttler

Radio : Charles Cassou

Article rédigé par Domi­nique Malé­cot, diffusé dans le maga­­­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­­­tage n°165 (3e trimestre 2023)